Le 20 novembre 2026 marquera une rupture dans l’univers du crédit à la consommation. L’ordonnance adoptée le 3 septembre dernier étend la réglementation européenne aux formats de prêts qui échappaient jusqu’alors aux règles de protection. Cette révolution silencieuse concerne directement les paiements fractionnés et les prêts de faible montant, devenus omniprésents dans nos habitudes d’achat.
Les chiffres révèlent l’ampleur du phénomène. En trois ans, la part des mini-crédits et paiements fractionnés dans les dossiers de surendettement a explosé : 1% en 2022, 7% en 2023, et déjà 17% en 2024. Cette progression fulgurante s’accompagne d’une hausse générale du surendettement de 6% sur les cinq premiers mois de 2025. Ces facilités de paiement, présentées comme anodines, plongent désormais des milliers de ménages dans la spirale financière.
La nouvelle réglementation ratisse large. Sont désormais soumis aux règles européennes de protection : les crédits inférieurs à 200 euros, les paiements différés ou échelonnés, les prêts sans frais apparents, et même les contrats de location avec option d’achat. Le plafond du crédit à la consommation réglementé passe de 75 000 à 100 000 euros.
La vérification de solvabilité généralisée
L’innovation majeure réside dans la possibilité offerte aux établissements de consulter le fichier national des incidents de remboursement, même pour les crédits de très courte durée. Cette faculté, jusqu’alors réservée aux prêts traditionnels, s’étend aux mini-crédits de moins de 200 euros et aux facilités de paiement inférieures à trois mois.
Cette mesure vise les plateformes comme Alma, Younited ou Klarna, qui ont démocratisé le « payer en trois fois » dans le commerce en ligne. Leurs algorithmes devront intégrer cette vérification, même si elle reste facultative. L’objectif : détecter les profils à risque avant qu’ils n’accumulent plusieurs micro-crédits simultanés.
Parallèlement, les obligations d’information sont allégées pour ces petits montants, évitant une bureaucratie excessive tout en maintenant la transparence. Les établissements doivent désormais proposer des solutions de renégociation aux clients en difficulté avant d’engager toute procédure d’exécution.
Publicité sous surveillance renforcée
Le marketing agressif de ces produits financiers fait l’objet d’un encadrement spécifique. L’ordonnance interdit formellement de mettre en avant la facilité ou la rapidité d’obtention dans les communications publicitaires. Fini les slogans du type « crédit instantané » ou « accord immédiat » qui fleurissent sur les réseaux sociaux et les sites marchands.
Cette restriction vise particulièrement les jeunes adultes, clientèle privilégiée de ces services. Les publicités devront désormais adopter un ton plus neutre, en précisant clairement les obligations de remboursement et les risques d’endettement. Les lots promotionnels conditionnés à l’acceptation d’une offre de crédit sont également proscrits.
L’écosystème du crédit express se prépare à ces changements. Les acteurs traditionnels comme Cofidis ou Cetelem côtoient désormais une multitude de fintech spécialisées. Ces dernières devront adapter leurs modèles économiques, souvent fondés sur l’instantané et le frictionless, aux nouvelles exigences réglementaires.
Cette réforme s’inscrit dans une démarche d’harmonisation européenne, la France transposant fidèlement la directive de 2023. D’autres pays membres adoptent des mesures similaires, créant un cadre uniforme pour un marché du crédit de plus en plus transfrontalier. Les géants du paiement fractionné, souvent d’origine nord-européenne, devront se conformer aux mêmes standards dans toute l’Union.
L’enjeu dépasse le simple aspect réglementaire. Il s’agit de redéfinir le rapport des consommateurs au crédit dans une société où l’achat immédiat est devenu la norme. Cette révolution du paiement différé, née des habitudes numériques, rencontre désormais les garde-fous d’une réglementation qui peine à suivre l’innovation technologique.