L’épargne pour les enfants révèle des écarts vertigineux dès le berceau

Plus de la moitié des jeunes français possèdent un compte d’épargne ouvert à leur nom, mais les montants accumulés varient de manière spectaculaire selon la situation familiale. Des travaux récents mettent en lumière une réalité méconnue qui reproduit les inégalités sociales dès le plus jeune âge.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Un tiers des nourrissons disposent déjà d’un placement financier à leur nom avant leur premier anniversaire. Cette proportion grimpe à 50% vers 10 ans, puis atteint 72% à l’approche de la majorité. Au total, 55% des mineurs français détiennent une forme d’épargne, principalement des livrets bancaires comme le Livret A ou le Livret Jeune, avec un solde moyen de 1300 euros.

Une concentration extrême de l’épargne infantile

Les écarts se creusent très rapidement. Dès la première année, les 10% d’enfants bénéficiant des comptes les mieux garnis concentrent déjà près de 80% du total épargné pour cette tranche d’âge. À 10 ans, cette minorité privilégiée détient encore 75% des sommes, et à 16 ans, 70%. La situation patrimoniale des parents joue naturellement un rôle déterminant. Dans les familles les moins aisées, la moitié des jeunes n’ont quasiment rien mis de côté, et seul un enfant sur dix dépasse 2900 euros. À l’opposé, dans les foyers les plus fortunés, la moitié des adolescents possèdent plus de 1855 euros et 10% franchissent la barre des 19400 euros.

Mais le patrimoine familial ne suffit pas à expliquer toutes ces disparités. La composition du foyer exerce une influence notable. Les enfants uniques bénéficient en moyenne de 3112 euros d’épargne, contre 2640 euros pour ceux qui ont un frère ou une sœur. Dans les familles de quatre enfants ou plus, les montants tombent à 1338 euros par enfant. Le fait de grandir avec ses deux parents plutôt que dans une famille monoparentale semble également favoriser l’accumulation d’épargne, bien que les données soient difficiles à consolider pour les situations de séparation.

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Le poids des grands-parents et des transmissions

L’entourage familial élargi joue un rôle déterminant dans cette mécanique de l’épargne infantile. Les adolescents dont les quatre grands-parents sont encore vivants possèdent en moyenne 3300 euros, tandis que ceux qui n’en ont plus qu’un seul ou aucun disposent de sommes nettement inférieures. Les transmissions patrimoniales, qu’elles prennent la forme d’héritages ou de donations aux parents, provoquent mécaniquement une augmentation de l’épargne constituée pour les enfants.

Les agriculteurs se distinguent par une propension particulièrement forte à épargner pour leurs enfants, tout comme les diplômés de l’enseignement supérieur. Ces différences de comportement traversent également les territoires. Les habitants des zones rurales mettent de côté environ 14% de leurs revenus pour leurs enfants, contre 8% en milieu urbain, un écart qui s’explique à la fois par des coûts de vie moins élevés et des traditions familiales d’épargne plus ancrées.

Les conséquences de ces écarts se font sentir au moment clé de l’entrée dans l’âge adulte. Permis de conduire, études supérieures, caution pour un logement, premier véhicule : ces dépenses peuvent représenter plusieurs milliers d’euros. Les jeunes issus de familles modestes arrivent à leur majorité sans réserves financières ou presque, tandis qu’une minorité dispose déjà d’un capital comparable à celui de ménages adultes aux revenus moyens. Cette fracture précoce conditionne en partie les trajectoires futures et la capacité à saisir des opportunités qui nécessitent un investissement initial.

À l’étranger, certains pays ont tenté d’atténuer ces inégalités en créant des comptes de développement spécialement conçus pour garantir un minimum de ressources à tous les jeunes au moment où ils deviennent adultes. Ces dispositifs ciblent particulièrement les ménages modestes pour leur donner accès à une épargne de départ. En France, des discussions ont eu lieu autour de mécanismes similaires, mais aucune mesure concrète n’a été mise en place à ce jour. L’épargne pour les enfants reste une pratique familiale, laissée à l’initiative privée, avec toutes les disparités que cela suppose selon les milieux sociaux.